Amoureux des Pyrénées et cartographe ingénieux

Dès lors, Franz Schrader consacre ses rares congés à la montagne en compagnie de Léonce Lourde-Rocheblave. Séduits par le massif calcaire du Mont-Perdu, d'une «beauté surprenante», ils décident de réaliser une carte à grande échelle. Elle couvrira le Mont-Perdu et la région de Gavarnie, dont la connaissance comporte alors des manques. Excellent dessinateur, bon mathématicien, Schrader apprend à fond le métier de topographe et invente un instrument aussi simple dans son principe que peu encombrant lui permettant de faire des levées topographiques en terrain accidenté. C'est l'orographe, transcrivant directement sur un disque de papier les lignes de paysage qu'il suffit de viser avec sa lunette. le tracé est direct, instantané. A mesure que l'opérateur déplace sa lunette, ses mouvements de visée sont transmis mécaniquement et automatiquement sur une règle équipée d'un crayon. Schrader obtient une véritable table d'orientation en modèle réduit. En un temps très court, il collecte les données suffisantes pour obtenir en 1874 sa première carte du Massif de Gavarnie et du Mont-Perdu au 1 : 40 000.

Il la grave lui-même, le résultat est d'une telle qualité, dans sa lisibilité, sa précision et son esthétique, que la Société des Sciences Physiques et Naturelles de Bordeaux décide de l'imprimer et de la publier dans ses Mémoires de 1875, accompagnée d'un texte de son auteur. L'exploit est salué par E.A. Martel dans le premier Annuaire du CAF : «Ce texte et cette carte apprendront aux néo-alpinistes français deux choses : la splendeur fantastique du revers espagnol du Mont-Perdu, et l' existence d'un topographe de premier rang éclatant en un coup de maître».

Schrader acquiert rapidement une certaine notoriété ; «mon père comprit que c'était sérieux» dira-t-il avec humour. A Bordeaux, en avril 1876, il œuvre à la création de la section du CAF du Sud-Ouest. Au printemps 1877, épaulé par ses cousins Reclus il monte à Paris où il entre à la maison Hachette. Il y est accueilli par Emile Templier et Adolphe Joanne alors président du tout jeune CAF de Paris. Installé à Paris, il a enfin le temps et les moyens de se consacrer tout entier à ce qui le passionne. Sa carrière est dense et diversifiée : géographe professionnel chez Hachette, professeur à l'école d'Anthropologie, membre actif du CAF qu'il préside de 1901 à 1904, auquel il apporte beaucoup, tant par ses talents d'écrivain, d'illustrateur, d'organisateur, que par ses compétences de topographe et de cartographe. Directeur de la cartographie chez Hachette dès 1880, Schrader s'assigne trois buts : dépasser en qualité l'atlas allemand Stieler, faire connaître les Pyrénées, fournir aux alpinistes des cartes de plus en plus précises. Retenons quelques étapes dans une production de renommée internationale : 1882-1892 : Carte des Pyrénées centrales au 1 : 100 000 (122 x 60 km levés en 120 jours d'orographe de 1872 à 1882) ; 1886-1891 : Carte d'ensemble des Pyrénées topographique et géologique au 1 : 80 000 ; 1914 : Carte de Gavarnie Mont-Perdu au 1 : 20 000 ; 1914 : Atlas Universel.

Un artiste en osmose avec la peinture de son temps